Pour la fabrication des icônes, chaque détail possède son importance. C’est le respect de la tradition et l’application méticuleuse des procédés techniques qui garantissent la relation avec la transcendance. L’icône est en effet le petit qui reflète la vérité et la perfection du grand. C’est un temple à la construction duquel participe toute la création : l’homme, les animaux, les végétaux, les minéraux, la terre, l’air, l’eau et le feu.

La préparation du panneau
Le choix du panneau de bois requiert déjà la plus grande attention. La préférence doit être donnée à un bois compact et privé de nœuds. Les bois les plus utilisés sont le tilleul, le bouleau, le hêtre, le chêne, le cèdre et le sapin selon les endroits et les traditions. Les icônes de grandes dimensions sont composées de plusieurs planches qui s’emboîtent. La surface peinte correspond toujours au côté qui était tourné vers le centre de l’arbre. On évite ainsi que l’icône ne se déforme avec le temps et ne prenne une forme concave. Le revers du panneau est renforcé par des traverses, souvent découpées dans un bois plus dur.
A partir du XVIII siècle, les artistes russes se servirent d’un autre système de renforcement : deux baguettes de bois étaient encastrées dans l’épaisseur du panneau aux extrémités supérieure et inférieure. Ainsi, on peut aujourd’hui dater les icônes avec certitude.
Le panneau est ensuite hachuré d’incisions obliques et croisées, puis recouvert au pinceau de deux couches de colle animale – lapin, poisson ou esturgeon – bien chaude. Cette opération est destinée à préparer l’entoilage du panneau, une précaution adoptée dès l’Antiquité afin de prévenir le fendillement
de la couche de peinture.La surface du panneau est ainsi recouverte d’une solide toile de lin, légèrement plus grande que le panneau, et bien imprégnée de colle. L’utilité de cette toiles est évidente : elle supporte la couche de peinture qui résistera ainsi plus facilement aux sollicitations des mouvements du bois.

L’opération suivante est essentielle : elle consiste à préparer le levkas (du grec LEUKOS, blanc), la couche blanche qui constitue le support définitif de la peinture. Ce fond blanc doit être préparé et appliqué avec le plus grand soin. Le résultat final en dépend. Le levkas est composé de colle d’esturgeon et d’une fine poudre d’albâtre ou de ‘’blanc de Meudon’’, qui doivent être mélangées selon des proportions très précises. Encore chaud, le mélange est appliqué sur le panneau au moyen d’un pinceau et d’une spatule, en plusieurs couches successives, jusqu’à sept ou huit. On attend plusieurs heures entre chaque application, de façon à laisser sécher complètement la dernière couche. Cette technique, qui convient idéalement à la préparation d’un fond homogène, plat et absorbant, destiné à recevoir la couche de couleur, fut utilisée par toutes les grandes écoles de Toscane aux XIIème et XIIIème siècles.

Le dessin
Quand le panneau est tout à fait sec, il faut le polir afin de le rendre lisse comme de l’ivoire. Aujourd’hui, on se sert de papier de verre. Maintenant, le panneau passe définitivement entre les mains du peintre, qui esquissera d’abord le dessin à main levée ou en se servant de modèles hérités de la tradition. Si le fond doit être doré, les contours de la figure sont incisés, afin que le dessin ne se perde pas durant l’opération de dorure.

La dorure et la peinture
Le fond doit d’abord être ‘’bruni’’, c’est-à-dire poli avec un brunissoir en agate. Puis il est recouvert de fines couches d’un mélange de terre rouge, de suif et de colle organique. Quand il est sec, il est de nouveau poli. Cette surface polie et brillante est ensuite recouverte de minces feuilles d’or qui sont fixées avec de la colle diluée, puis polies et protégées par une couche de gomme-laque.
On passe ensuite au travail de peinture. C’est le moment le plus important, qui est accompagné par la prière et la méditation. Autrefois, cette phase initiale de la peinture était appelée ‘’ouverture’’ : de même que le Livre des Ecritures s’ouvrait pour laisser lire la révélation de Dieu, l’icône elle-même devait s’ouvrir pour que l’artiste puisse y ‘’écrire’’ l’histoire de la Rédemption.

 

 

L’iconographe utilise seulement des pigments naturels, pour la plupart minéraux, même si quelques pigments organiques, d’origine végétale ou animale sont aussi utilisés. Les pigments les plus utilisé sont les terres et les ocres, qui sont mélangés à des minéraux plus brillants, à structure cristalline (cinabre, lapis-lazuli, malachite, azurite, hématite, orpiment,, etc…) ou à des substances organiques d’origine végétale (indigo, alizarine, carbone…) ou animale (ivoire, seiche, jaune indien).
Ces substances sont naturellement réduites en poudre et mélangées à du jaune d’œuf. Autrefois, les iconographes ajoutaient aussi à leurs mélanges du miel, des résines, des gommes, du lait de figuier, des essences, du fiel de bœuf ou de la bière bouillie. Chaque école avait son ingrédient secret pour rendre les couleurs plus résistantes et plus brillantes. Les techniques les plus récentes n’ont jamais pu égaler la fraîcheur et la luminosité de ces couleurs, ni dépasser leurs Légende de la Vierge Tichvine – 18èmequalités de résistance. Quand les couleurs sont prêtes, le peintre commence à les étendre en se servant de pinceaux souples et élastiques en poils d’écureuil, qui encore aujourd’hui, sont fabriqués à la main. On applique d’abord les couleurs de fond, dans la tonalité la plus sombre, puis on passe aux vêtements. Les parties visibles du corps sont colorées avec un mélange brun-vert de terres et de pigments.
On passe ensuite à l’application des ‘’rehauts’’ sur les vêtements, les édifices, les parties visibles du corps. Les derniers traits sont soulignés de blanc quasiment pur alors que les volumes des vêtements sont souvent recouverts de minces hachures dorées.

La dernière opération est l’inscription : l’iconographe écrit le nom du personnage ou de la fête représentée sur l’icône.

La conversation
Quand le dernier coup de pinceau a été donné, l’icône doit sécher pendant quelques jours, puis on réalise son vernissage. L’opération sert à fixer la couche de couleurs au support de bois, de toiles et de plâtre, et à protéger la peinture de la poussière et des agents atmosphériques. On utilise un vernis gras, dont la recette fut conservée pendant des siècles dans les monastères du mont Athos. C’est un vernis à base d’huile de lin cuite, mélangée à des résines et des sels minéraux, qui est connu sous le nom d’olifa.

 

 

La réalisation d’une icône ne se réduit pas à la somme de ces opérations. Sans la bénédiction, l’icône ne serait qu’un morceau de bois peint.
Le peintre sait qu’il a seulement prêté ses mains au Seigneur afin qu’il se manifeste. C’est pourquoi l’œuvre ne sera pas signée : tout ce qui est en elle n’appartient pas au peintre, mais à l’éternel Mystère de Dieu.

 

 

 

 

 

 

Légendes :
Légende de la Vierge Tichvine – 18ème
Hymne acathiste à la Vierge – 19ème
Scènes de la vie de Jean le Précurseur – 19ème
Gabriel, l’ange de l’Annonciation – 19ème
Saint Georges et le dragon – 18ème